Entretien

Rencontre avec Renaud Dehillotte, directeur général de DAF Trucks France

Rencontre avec Renaud Dehillotte, directeur général de DAF Trucks France

DAF Trucks annonce des résultats solides. Tournée vers l'innovation, la nouvelle génération de camions entend accroître la part de marché en France à 18 % d'ici 2025. Affichant une confiance affirmée dans le potentiel de l'électrification, DAF Trucks explore également d'autres solutions pour une décarbonation efficace du secteur du transport.

« Nous aspirons à augmenter nos parts de marché à 18 % en France »

Décision PL : Les chiffres que nous recevons au sujet de DAF sont plutôt encourageants…

Renaud Dehillotte : DAF Trucks occupe une position de leader dans six pays européens, générant 8 milliards de dollars de revenus. En 2022, malgré une année tumultueuse, nous avons maintenu notre position robuste. Nous avons produit 68 000 camions, détenant une part de marché de 17,3 % pour les véhicules de plus de 16 tonnes. En France, notre part de marché s'élève à 15,4 %, plaçant DAF en tant que deuxième marque, devant Volvo Trucks. Nous avons également établi un record en France avec une pénétration exceptionnelle de contrats d’entretien, atteignant un taux de 36,4 % avec 8 200 contrats en cours. Nos ventes de pièces détachées ont totalisé 120 millions d’euros. En outre, nous avons effectué 8 400 interventions sur la route, avec un taux de service impressionnant de 99,4 %. Si tous les chiffres 2023 ne sont pas encore publiés, DAF conserve sa position en termes de part de marché si l’on tient compte de l’ensemble des immatriculations en W liées au changement de réglementation des tachygraphes qui n’apparaissent pas dans les statistiques des immatriculations, et a réalisé de solides performances.

Décision PL : De remarquables avancées…

Renaud Dehillotte : Nous sommes satisfaits de ces résultats et nous avons l'intention de continuer sur cette lancée avec notre nouvelle génération de camions, conçue autour d'une plateforme innovante. Il est essentiel de souligner que nous sommes les premiers à répondre aux nouvelles réglementations européennes sur la "masse et les dimensions", avec une amélioration de l'aérodynamisme de plus de 20 %. Nos avancées technologiques ont permis une réduction avérée de la consommation de 10 %. De plus, nos intervalles d’entretien s’étendent jusqu’à 200 000 kilomètres.

Décision PL : La nouvelle réglementation autorise des cabines plus spacieuses. Est-ce un véritable avantage concurrentiel pour les camions DAF Trucks ?

Renaud Dehillotte : Le confort du conducteur constitue le troisième pilier de notre nouvelle génération de camions, après la consommation et la sécurité. Nos cabines offrent un espace inégalé pouvant atteindre jusqu'à 12,5 m3. Nous avons amélioré la position de conduite, les couchettes et l'aménagement intérieur. La fidélisation des conducteurs chez nos clients est un enjeu majeur, et la qualité de nos cabines y répond. Je rappelle que nos modèles XF, XG et XG+ ont remporté le titre de Camion International de l’année en 2022, et récemment, la version XD, destinée à la distribution et au transport régional, a été élue Camion de l'année 2023.

« Le confort du conducteur constitue le troisième pilier de notre nouvelle génération de camions »

Décision PL : Une plateforme couronnée de succès désormais disponible en électrique…

Renaud Dehillotte : En effet, elle a été conçue non seulement pour améliorer nos produits, mais aussi pour accueillir la gamme électrique XD, XF et XB qui a dévoilé en première mondiale à Solutrans. Ce camion de distribution par excellence se décline en version construction avec le XBC. En 24 mois, nous avons entièrement renouvelé notre gamme, ce qui constitue une grande fierté pour nous. Depuis janvier, nos camions sont également conformes à la réglementation GSRII, imposant des équipements de sécurité. Tout cela a abouti à la création de la série spéciale Efficiency Champion.

Décision PL : Quels sont vos objectifs en France pour 2025 ?

Renaud Dehillotte : Nous aspirons à augmenter nos parts de marché à 18 % en France et à 20 % en Europe. Cela se traduirait par la vente de 9 500 camions, comparativement à plus de 8 000 en 2023. Cela nécessitera le développement de notre réseau, une augmentation des ventes de véhicules électriques, ainsi que la promotion d'offres groupées, avec l'objectif d'atteindre au moins 150 millions d’euros de ventes de pièces détachées.

Décision PL : Le défi principal est de stimuler les ventes de camions électriques…

Renaud Dehillotte : DAF Trucks en est à la troisième génération de camions électriques. Les premiers modèles ont été présentés en 2018. Nous proposons actuellement neuf modèles porteurs et tracteurs, en version XB, avec un modèle de 12 tonnes unique sur le marché, ainsi que les modèles XD, XF. La gamme lourde offre quatre motorisations, 11 puissances, et, en fonction des besoins, six tailles de batteries modulaires LFP, plus résistantes et puissantes. Cela permet des autonomies répondant à tous les besoins urbains et nationaux, de 150 à plus de 500 km.

Décision PL : J’imagine que cette offre « électrique » s’accompagne de services ?

Renaud Dehillotte : Avec l'électrique, nous adoptons une approche technique complexe qui nécessite une prise en charge différente par rapport au diesel. Nous devons accompagner nos clients en tenant compte de leurs projets de transport et nous assurer de la compatibilité. À cette fin, nous disposons d'outils de simulation de trajet, d'émissions de CO2, et de calcul de TCO. Nous menons également des études sur les infrastructures de recharge. De plus, notre réseau de distribution certifié en électrique compte plus d'un tiers de nos 100 points de service, qualifiés en tant qu'eTrucks Center.

Décision PL : Peut-on atteindre avec l'électrique un TCO proche de celui du diesel, comme certains le prétendent ?

Renaud Dehillotte : La décarbonation repose sur les produits, mais aussi l'infrastructure de recharge, qui n'est pas encore pleinement développée avec seulement 50 000 bornes en Europe. Il est également essentiel de s'assurer que cette transition se fasse à un coût acceptable en termes de TCO, afin d'éviter une forte inflation des coûts opérationnels pour les consommateurs. On parle souvent d'une convergence des TCO entre le diesel et l'électrique, mais cela dépend des modes de calcul. Si le prix de l'électricité fluctue, le TCO en est affecté. Il est peut-être encore un peu tôt pour parler de parité, mais l'électrique reste le choix le mieux adapté pour les livraisons urbaines, tant en termes de réduction des émissions de CO2 que de qualité de l'air et de niveau sonore.

Décision PL : Combien de camions électriques DAF circulent actuellement en France ?

Renaud Dehillotte : Environ une dizaine. Nous avançons progressivement. Nous envisageons une centaine d'ici à 2025, puis un millier par la suite. Nous apprenons au fur et à mesure avec nos clients. Les marchés nordiques, hollandais et allemands sont plus avancés, bénéficiant d'un soutien gouvernemental plus important. Les appels à projets de l'Ademe vont dans la bonne direction, mais ils sont trop complexes. Ils profitent davantage aux grandes entreprises bien structurées. Il est nécessaire de revoir leurs règles. La décarbonation implique l'ensemble de la chaîne de valeur et nécessite un effort concerté.

Décision PL : L'électrique seule ne contribuera pas à la décarbonation rapide du transport. C'est une évidence…

Renaud Dehillotte : En effet, il n'y a pas de solution unique. La réponse réside dans plusieurs technologies, en fonction des besoins et des réalités économiques. Nos véhicules sont compatibles sans modification particulière pour rouler en XTL. Nous disposons d'une technologie hybride qui n'est pas encore sur le marché, et nous explorons également le potentiel de l'hydrogène avec notre maison mère, Paccar, qui travaille sur le sujet aux États-Unis. Il est important de noter qu’en 2021, DAF a remporté les Prix de l'innovation Solutrans pour un moteur à combustion hydrogène, une solution moins coûteuse qu'une pile à combustible, bien que présentant actuellement une autonomie moindre en raison des contraintes liées au réservoir.

Décision PL : Et le B100 dans tout cela ?

Renaud Dehillotte : DAF est un constructeur européen qui prend des décisions en conséquence. Le B100 est une solution française, bénéficiant du statut Crit’Air 1. Pour nous, le choix environnemental significatif est le XTL, capable de réduire les émissions de CO2 de 98 %, contre 60 % pour le B100, et ce, sans modification spécifique. Cela ne nous empêche pas d'étudier la compatibilité du B100 avec nos moteurs.

Décision PL : Même question pour le gaz…

Renaud Dehillotte : Aux États-Unis, Paccar détient la technologie, mais nous ne voyons pas actuellement d'avantage environnemental en Europe. Nous restons plutôt attentifs au biogaz.

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