La sortie de route du contrat stratégique de filière automobile

La sortie de route du contrat stratégique de filière automobile

Le nouveau contrat stratégique de filière vise 800 000 ventes de véhicules électriques en 2027.

© Tesla

Dans le nouveau contrat stratégique de la filière automobile, le gouvernement vise à multiplier par quatre les ventes de véhicules électriques en trois ans et par six celles des utilitaires électriques. Cet objectif va à l'encontre des tendances actuelles du marché automobile, où les ventes de véhicules électriques sont en recul sur la plupart des marchés, à l'exception de la Chine.

Le contrat stratégique de la filière automobile pour les véhicules légers et lourds a été officiellement signé ce lundi entre le gouvernement et les représentants de la filière amont et aval. D'une durée de trois ans, jusqu'en 2027, ce contrat définit la feuille de route de la transformation de l'industrie automobile en France. Cet engagement triennal est pour le moins surprenant puisqu’il ne laisse aucune place au doute quant à la transition vers l’électrique. Il convient de souligner qu'aucun mot n'est prononcé sur les véhicules thermiques, même hybrides, dans les 43 pages de ce document officiel.

Le véhicule thermique : le grand absent de la transition

En résumé, le contrat se concentre exclusivement sur le développement du véhicule électrique, sans mentionner de période de transition par le biais de véhicules thermiques moins émetteurs de CO2. Pour réduire les émissions de CO2 des véhicules thermiques existants, le contrat évoque l'utilisation de biocarburants et d'autres carburants alternatifs, mais ceux-ci restent largement hypothétiques compte tenu du niveau actuel de la technologie.

Alors que la plupart des constructeurs réactivent progressivement leurs motorisations thermiques pour faire face au recul marqué du marché des véhicules électriques en Europe et aux États-Unis ces derniers mois, le contrat de filière adopte une approche totalement opposée en misant exclusivement sur la mobilité électrique.

« C'est un texte de rupture qui vise à réaliser une transformation radicale »

« Le contrat stratégique qui a été signé aujourd’hui est sans aucun doute le plus clair de tous ceux qui l’ont précédé. Il fixe une ligne stratégique conforme au modèle européen en assumant résolument l’interdiction de commercialisation des véhicules thermiques en 2035 », commente Xavier Horent, délégué général de Mobilians. « C’est par conséquent un texte de rupture, qui vise à réaliser une transformation radicale de nos actifs stratégiques au cours de cette décennie. Ce choix décisif de la technologie électrique, dont les conséquences sont probablement irréversibles, se prolonge d’une politique d’accompagnement au niveau de l’offre et de la demande jusqu’en 2027 ».  Et d'ajouter : « La prochaine Commission de Bruxelles devra trouver une voie médiane entre les États-Unis et la Chine, ce qui implique de fédérer les États membres autour d’une politique industrielle très robuste – si l’Europe veut rester une puissance réelle. En sommes-nous capables ? C’est l’enjeu des prochaines élections. On ne mènera pas une compétition en s’abritant sous des couches de réglementations, c’est sur l’innovation et donc sur la compétitivité et la compétence qu’il faut miser – et vite ! »

À contresens de la tendance actuelle du retour du thermique

Cette décorrélation entre les objectifs français à 2027 et la tendance économique de la filière automobile est pour le moins surprenante. Elle semble ne pas tenir compte d'une éventuelle remise en question de la date de 2035 fixée pour la fin des véhicules thermiques en Europe, notamment lors de la clause de réexamen prévue en 2026.

Des objectifs surréalistes et irréalistes

Le contrat de filière signe la fin du thermique et donne ainsi les éléments de restructuration de l’après-thermique en « anticipant les restructurations à venir au niveau des territoires les plus concernés ».

En résumé, le contrat triennal fixe trois objectifs ambitieux :

  • Atteindre l'objectif présidentiel de production de 2 millions de véhicules électrifiés en France d'ici à 2030.
  • Multiplier par quatre d'ici à fin 2027 les ventes de véhicules particuliers 100 % électriques, passant de 206 000 VE vendus en 2022 à près de 800 000 en 2027.
  • Multiplier par six d'ici à fin 2027 les ventes de VUL 100 % électriques (BEV et FCEV), passant de 16 500 en 2022 à plus de 100 000 véhicules vendus en 2027.

Aucune dimension budgétaire…

L'absence d'un volet budgétaire spécifique pour ce nouveau contrat est sans doute l'une des préoccupations les plus importantes. Cependant, le contrat réaffirme l'engagement de l'État à maintenir les dispositifs de soutien à l'achat et à la location de longue durée (tels que les bonus, le leasing électrique, le suramortissement pour les professionnels et le soutien spécifique pour les poids lourds) jusqu'en 2027, comme le souligne Mobilians dans son communiqué.

Le représentant de la filière aval de l'automobile souligne l'importance de comprendre les défis auxquels le secteur est confronté. Avec l'objectif ambitieux de parvenir à la neutralité carbone d'ici à 2050 et la nécessité de réduire de 100 % les émissions de CO2 des nouveaux véhicules légers dès 2035, « il est crucial pour l'industrie automobile de relever le défi de la décarbonation tout en offrant une mobilité abordable, compétitive et soutenant la souveraineté économique », dans un contexte de concurrence internationale de plus en plus intense.

Dans les pas européens de la neutralité carbone en 2050

Dans les premières pages du contrat stratégique de filière, le ton est donné. « Le présent contrat vise à partager l’ambition d’atteindre la neutralité carbone en 2050 telle que définie dans la feuille de route de décarbonation de la filière (véhicules particuliers/ VP, véhicules utilitaires légers/ VUL, véhicules industriels/ VI y compris autobus et autocars), et à réaffirmer le rôle de cette filière de près d’un million de salariés (industrie et services) et ce qu’elle apporte en France ».

Le préambule du contrat de filière signé entre le gouvernement et l'ensemble de la chaîne de production fixe un objectif clair : une transition vers une mobilité 100 % électrique, excluant toute place pour les véhicules thermiques.

« Le cadre européen, avec le Green Deal et le paquet Fit for 55, impose une réduction de 100 % des émissions de CO2 à l’échappement pour tous les véhicules légers neufs (VP+VUL) commercialisés à partir de 2035, ce qui n’est pas compatible avec un maintien de la motorisation thermique et qui nécessite une électrification accélérée du marché des véhicules neufs en France et en Europe. Cette accélération concerne tous types de véhicules, des véhicules particuliers aux véhicules lourds (camions, bus et cars), en passant par les véhicules utilitaires légers ».

L’avantage compétitif du thermique serait derrière nous

Le contrat de filière affirme clairement aussi que « la filière automobile européenne, qui fondait sa force et son avantage compétitif dans le monde sur son avance technologique dans les motorisations thermiques, doit complètement se réinventer et investir massivement sur l’ensemble de cette nouvelle chaine de valeur pour répondre à l’obligation de véhicules zéro émission de CO2 à l’échappement en 2035 en Europe et à la montée en puissance de nouveaux entrants sur cette technologie ».

Le document souligne que la filière, tant en amont qu'en aval, est confrontée à des évolutions rapides en termes de transformation énergétique et écologique, ainsi qu'à des changements significatifs dans la digitalisation des produits (comme les véhicules définis par logiciel et les services de mobilité connectée), des processus (avec l'adoption des principes de l'usine 4.0) et des usages (notamment l'émergence de nouveaux services de mobilité). Ces mutations ont un impact majeur sur l'ensemble de la filière. Le contrat stratégique de filière propose ainsi plusieurs axes d'action : renforcer la compétitivité et l'attractivité de la France, soutenir la recherche et le développement ainsi que l'innovation, développer un écosystème partenarial, rendre la transformation durable pour les entreprises et les salariés, accompagner le consommateur, promouvoir l'analyse du cycle de vie des véhicules, renforcer la souveraineté européenne, contribuer à la décarbonation par une gestion efficace du parc de véhicules et encourager le développement de l'économie circulaire.

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