L’idée de Nalcar est née en 2018 et les premiers tests en grandeur nature ont débuté trois ans plus tard. Image d'illustration.
Connaissant plusieurs pauses successives dans le but de se perfectionner, le concept Nalcar de livraison de pièces automobiles en moins de deux heures vise un minimum de 70 % de développement avant d’être définitivement mis en place. Et de véritablement bouleverser les habitudes des professionnels ?
[Article issu du magazine Décision Atelier n°187, paru en février 2024.]
Vous l’aviez sûrement compris, le nom de Nalcar est proche de celui de la Nascar, célèbre compétition automobile étasunienne. En revanche, vous ne saviez peut-être pas que « abeille » se dit « nahl » en arabe et qu’il s’agit du surnom donné aux livreurs parisiens de la boutique que possédait initialement Sofiane Zitout dans la capitale. « C’était une blague des réparateurs qui nous surnommaient ‘les abeilles’ puisqu’on récoltait les pièces sur les plateformes de stockage et qu’on les livrait directement au garage », raconte avec le sourire le fondateur de cette solution, qu’il a donc nommé Nalcar. Le concept est simple, livrer rapidement n’importe quel client professionnel à travers la France en moins de deux heures.
Cela suit ce que faisaient déjà les équipes de Sofiane Zitout dans la capitale. « Nous avions une boutique et notre stock mais, de manière naturelle, nous étions devenus une sorte de call-center pour les ateliers parisiens, se remémore-t-il, on prenait les commandes et nos livreurs les récupéraient directement au stock des plateformes, ce qui permettait une livraison très rapide. » Avec Nalcar, l’objectif est de transposer cette pratique à l’échelle nationale. Il devient alors nécessaire d’obtenir l’accès aux interfaces de programmation d'application (API) du maximum de plateformes logistiques afin de visualiser leur stock en temps réel. Nalcar veut éviter que le garagiste ait à vérifier manuellement la disponibilité d’une référence chez chaque fournisseur.
« L’idée était de créer un agrégat pour ne pas être le revendeur d’untel mais bien de tous, en analysant les disponibilités en live », poursuit le fondateur en vantant également les possibilités offertes par ces API. Ainsi, Nalcar livre aux plateformes rapport sur les ventes loupées et les raisons, telle qu’une mauvaise répartition des stocks sur les différents dépôts nationaux. « C’est de l’information inédite pour elles, et je suis l’un des seuls acteurs à pouvoir la fournir », promet Sofiane Zitout, soulignant également que sa solution permet d’effectuer une rotation supplémentaire dans les différents entrepôts des plateformes.
Ubériser la distribution de pièces
L’idée de Nalcar est née en 2018 et les premiers tests en grandeur nature ont débuté trois ans plus tard. Si l’outil digital a déjà été mis en fonctionnement à plusieurs reprises, cela a toujours été dans le cadre d’opérations d’essais en collaboration avec des garages partenaires. En 2022, la solution est testée pendant trois mois avec une vingtaine de clients. Les résultats sont encourageants, Nalcar génère environ 100 000 euros de chiffres d’affaires sur la période avec « une marge assez correcte » et de précieuses remontées des clients. S’il avait débuté son projet avec une ambition débordante et une volonté de trop rapidement bien faire, Sofiane Zitout a finalement opté pour un ralentissement du rythme. L’ubérisation de la distribution de la pièce détachée automobile pour les professionnels est quelque chose qui nécessite de prendre le temps d’être mis en place correctement. « On était en plein codage en 2023, les tests du début d’année ont montré de nouveaux trous dans la raquette, reconnaît sans honte Sofiane Zitout, nous avons notamment travaillé sur la vitesse d’apparition des stocks en live, qui demandait un certain investissement puisqu’il fallait travailler directement avec les serveurs des fournisseurs. »
La digitalisation du business de la pièce détachée est un processus encore récent et auquel les fournisseurs historiques doivent s’adapter. « Vous auriez vu la tête de certains quand je leur demandais un accès aux API », ironise Sofiane Zitout, qui sait que ce sont des changements qui demandent du temps. « Des sites aujourd’hui très connus ont pris des années avant d’avoir ne serait-ce qu’un lancement », tient-il à rappeler. Le fondateur de Nalcar le promet, sa solution génère des revenus dès qu’elle est activée pour des essais, mais la quasi-totalité de cet argent est directement investie dans le développement.« L’application est fonctionnelle, même si nous l’avons coupé récemment pour y apporter de nouvelles modifications, poursuit Sofiane Zitout, le business marche avec des clients qui jouent le jeu des commandes à chaque réactivation de Nalcar. » Aux premières heures de l’année 2024, il se dit que l’outil digital est à environ 40 % de son développement. Il faudrait dépasser les 70 % pour que Nalcar soit définitivement lancé.
Une levée de fonds obligatoire pour continuer
Jusqu’à présent, l’application Nalcar a été financée en son nom. Si elle a généré un revenu confortable à chaque mise en route, cet apport financier n’est pas en mesure d’assumer pleinement les coûts de développement. « Nous sommes obligés de tenter une levée de fonds, pour trouver un partenaire pas forcément implanté dans le milieu automobile, mais qui soit un partenaire solide capable de nous accompagner de manière totalement sereine », précise un Sofiane Zitout qui reconnaît sans honte que cet exercice est totalement inédit pour lui. Le développement de Nalcar devra passer par là.
La livraison en moins de deux heures partout en France est, en quelque sorte, le produit d’appel de l’application. Mais l’étude de marché a permis de constater que si la majorité des professionnels de la réparation veut une disponibilité immédiate des pièces, certains sont beaucoup moins pressés. L’idée est alors de leur proposer des tarifs plus intéressants en échange d’une livraison rallongée jusqu’à une semaine. « Le service rapide nous permet de pénétrer le marché et de se distinguer des concurrents, mais une fois que le client est acquis, on essaye de devenir une solution d’achat répondant à presque tous ses besoins », espère Sofiane Zitout. Autrement dit, le but devient alors de changer les habitudes du réparateur. S’il commande via Nalcar pour ses besoins urgents, pourquoi ne le ferait-il pas pour ses achats moins pressés ? Le fait d’avoir accès à l’ensemble des API des plateformes est encore un avantage de taille ; le garagiste ayant une visibilité sur les stocks en live de distributeurs avec lesquels il ne travaillait pas forcément.
Encore du codage en 2024
Dans l’air du temps, Nalcar veut également se montrer comme une solution environnementale. Le fait de promettre une livraison express oblige à mettre en avant un contenu situé au plus proche du professionnel. Ce qui limite l’impact carbone de chaque achat, d’autant plus lorsqu’il est possible de grouper les commandes. Une façon de faire pratique pour les livreurs de Nalcar, tous placés sous le statut d’auto-entrepreneur, et qui s’applique également sur les achats faits depuis l’étranger avec un délai de livraison allongé. « On aimerait donner une bonne image de l’industrie automobile et l’innovation peut être l’ami de l’écologie. Les normes RSE deviennent incontournables, le fait de privilégier une pièce proche ou de grouper les achats lointains est une solution », complète Sofiane Zitout en rappelant une nouvelle fois la « notion certes chevaleresque » de l’abeille dans son concept.
Tout comme l’année passée, 2024 représentera pour Nalcar une nouvelle période de codage intensif après une énième remise en marche de son application. Son fondateur en est conscient, « ce n’est pas tout de lancer un système, il faut savoir tenir derrière. » Cette dizaine de mois de tests en conditions réelles doit permettre de « lancer 2025 de manière confortable. » L’outil digital veut y parvenir avec sérénité et sans précipiter les choses. Car si les abeilles sont indispensables à nos écosystèmes terrestres, il n’en reste pas moins qu’elles sont en danger. Et pas question qu’il en soit de même pour Nalcar.
