Rencontre avec Stéphanie Decompois sur le rôle d’Euromaster dans la transition écologique des transporteurs

Décision PL : Le premier centre Euromaster a vu le jour il y a une trentaine d’années avec déjà pour objectif de couvrir l’ensemble des segments d’activité professionnelle. Que représentent les véhicules industriels dans votre affaire ?

Stéphanie Decompois : Disons que 80 % de notre activité est dédiée aux professionnels ; gestionnaires de flottes légères, véhicules industriels, engins agricoles ou encore génie civil. La répartition est équilibrée entre véhicules légers et industriels, avec une part prépondérante du poids lourd dans l’activité industrielle. C’est l’une des plus grosses activités d’Euromaster. Nous sommes avant tout distributeur de pneumatiques, l’entretien courant des véhicules légers est arrivé bien plus tard, il y a environ dix ans.

Décision PL : Euromaster a d’ailleurs essayé de se mettre à l’entretien courant des poids lourds en 2015, avant d’abandonner trois ans plus tard. Considérez-vous cela comme un échec ?

Stéphanie Decompois : Je ne dirais pas ça. Une entreprise est faite de tentatives réussies et de tentatives moins réussies, on apprend toujours quelque chose. Je pense qu’on n’était pas sur le bon timing et que le marché n’était pas prêt, nos clients ne nous attendaient pas sur ce créneau. Euromaster est complètement identifié comme un acteur du pneumatique, l’entretien des poids lourds nécessite de véritables compétences et une qualification très importante des techniciens.

« On a encore des choses à explorer dans le pneumatique »

Décision PL : L’entretien courant de véhicules légers n’a pas grand-chose à voir avec celui des poids lourds.

Stéphanie Decompois : Il y a des procédés très intelligents qu'on a faits pour les véhicules légers et qu'on est en train d'adapter aux camions. Mais l’entretien des poids lourds demande surtout une forte légitimité car on parle de véhicules très coûteux à l’achat et donc de transporteurs qui ne veulent pas les laisser entre n’importe quelles mains. On n’allait pas s’arrêter après six mois de tentative ! Il faut cependant savoir reconnaître quand on dépense trop d’énergie pour quelque chose qu’on saura faire à terme, mais qui risque de prendre beaucoup de temps. On a encore des choses à explorer dans le pneumatique mais il ne faut jamais dire jamais, j’aime les entreprises qui tentent et il est impossible d’assurer qu’on ne réessayera pas.

Décision PL : Votre automne a été marqué par le lancement de « plan Edelweiss » pour désengorger les ateliers avant l’arrivée de l’hiver. Comment cela se passe-t-il pour les poids lourds ?

Stéphanie Decompois : Il faut savoir que 90 à 95 % des poids lourds sont déjà équipés de pneumatiques « 3PMSF » homologués pour la Loi Montagne. Mais nous avons encore des clients qui vont changer leur monture pour de véritables pneus hivers. Il s’agit surtout des véhicules dédiés aux chantiers, aux services publics en général et à la collecte des déchets en montagne car ils ont besoin d’un fort pouvoir de traction. C’est également le cas pour les transporteurs de fonds puisqu’il est essentiel d’approvisionner les stations de sports d’hiver. Les professionnels respectant cette saisonnalité représentent un important pic d’activité pour nous.

Décision PL : Euromaster était présent à Solutrans en novembre dernier, quel en a été le bilan ?

Stéphanie Decompois : Je suis particulièrement contente de cette édition. Le fait que le salon ait lieu tous les deux ans permet de renforcer l’engouement. On est très heureux des échanges que nous avons pu avoir sur le stand mais aussi de la qualité des conférences.

« Notre première approche réside dans notre rôle de conseil »

Décision PL : Vous en avez justement accueilli deux sur votre stand, dont l’une était dédiée à la réduction de l’impact environnemental des transporteurs. Quel est concrètement le rôle d’Euromaster ?

Stéphanie Decompois : Il est essentiel. Les transporteurs n’en ont pas encore complètement conscience, nous-mêmes l’avons réalisé assez récemment. Les préoccupations environnementales sont de plus en plus présentes chez les professionnels et nous n’étions pas encore pleinement identifiés comme un maillon important de la chaîne. Historiquement, nous martelons principalement le message sécuritaire avec nos conseils d’experts sur les pneumatiques et leur entretien, qui agissent directement sur la sécurité du conducteur. Mais on n’insistait pas forcément sur les volets économiques et environnementaux. Quand on parle de développement durable, on évoque toujours le triptyque social, société, et environnemental.

Décision PL : Et dans quel pilier s’inscrit Euromaster ?

Stéphanie Decompois : Les trois. Notre première approche réside dans notre rôle de conseil. Les pneus portent obligatoirement une étiquette énergétique mais personne n’en faisait grand-chose auparavant. Nos experts la mettent en avant et elle agit directement sur la longévité du pneumatique, c'est à dire sa résistance au roulement, mais aussi sa consommation de carburant. C’est toujours le même questionnement avec le client : quel est l’usage du camion, en longue distance ou en régional, sur chantier ou non, la performance souhaitée etc… Le label des pneus permet à l’achat d’être transformé en certificat d’économie d’énergie (CEE). Après 30 ans d’existence, notre vrai savoir-faire est notre expertise.

Décision PL : Le recreusage est également l’une des clés environnementales.

Stéphanie Decompois : Nous réalisons principalement l’entretien des pneumatiques de manière préventive, avec des contrats établis et des visites ponctuelles chez nos clients. On fait systématiquement rentrer le pneu dans un modèle de multiples vies : neuf, recreusé, rechapé, recreusé de nouveau… Cela évite de changer le pneu prématurément et d’en prendre un neuf. Le rechapé permet d’économiser 70 % de matières premières et évite de rejeter 60 kilos de CO2 dans l’atmosphère. Face au client, on essaie de quantifier tout cela et de le valoriser. L’objectif étant de l’aider à obtenir les CEE en lui fournissant tous les éléments de preuve nécessaires. Le recreusage fait partie de nos programmes de gestion externalisée de parcs et les transporteurs ont souvent tendance à ignorer que le rechapage ne déclenche pas les CEE. Une personne de nos équipes est entièrement dédiée à cet accompagnement des clients.

Décision PL : Les coûts d’usage étaient jusqu’ici la priorité des transporteurs, pas forcément l’impact environnemental ?

Stéphanie Decompois : Et c’est en train de changer. Cette année, nous avons travaillé en collaboration avec Michelin (maison-mère d’Euromaster, ndlr) sur un calculateur du gain de CO2 qu’on peut apporter à un transporteur. Un cabinet indépendant est venu l’attester, dire que notre calcul est juste, ce qui va nous permettre de délivrer à nos clients un certificat du nombre de tonnes de CO2 économisées grâce à l’entretien de ses pneumatiques. Je suis très contente qu’on soit allé au bout de ce projet, qu’on commence doucement à mettre en avant mais qui sera lancé début 2024 après quelques ultimes réglages. Ce sera un élément de plus pour faire la différence sur notre marché. Nous avons une vraie longueur d’avance sur l’accompagnement de nos clients dans leurs démarches environnementales.