Les constructeurs européens ne veulent plus d’une fin du thermique en 2035

Les constructeurs européens ne veulent plus d’une fin du thermique en 2035

Les constructeurs automobiles lancent une bataille pour remettre en question la fin du moteur thermique.

La machine à lobbying des constructeurs automobiles s'est remise en marche depuis quelques semaines. Les prochaines élections européennes représentent une occasion en or pour eux, avec pour objectif de repousser la fin du moteur thermique prévue pour 2035. Cependant, cette tentative constitue également une course d'obstacles très périlleuse pour les firmes automobiles, notamment face à la concurrence croissante des constructeurs chinois.

Après avoir réussi à faire reculer la norme Euro 7, une première depuis 2015 et le dieselgate, les constructeurs européens restent confiants dans leurs chances. Ils estiment que la puissance de leur lobbying pourrait encore faire la différence auprès des élus européens. À mesure que les élections européennes de juin prochain approchent, la pression exercée sur les élus européens devrait atteindre son paroxysme. En tête de cette campagne se trouvent les constructeurs allemands, actuellement les plus en difficulté dans le domaine des voitures électriques, qui chercheront à recentrer l'attention sur les véhicules hybrides. En coulisses, chaque acteur devrait mobiliser toutes ses ressources dans cette bataille cruciale.

Du côté de l'Association des constructeurs européens (ACEA), on souffle le chaud et le froid, tout en exprimant finalement le souhait d'un report de la date de fin de commercialisation des véhicules thermiques, actuellement fixée à 2035. C'est un exercice délicat mené par Luca de Meo, président de l'ACEA et CEO du groupe Renault. En effet, lors du Salon de Genève, le dirigeant avait exprimé son espoir d'un « léger report de l'application de l'interdiction des moteurs thermiques en Europe, fixée à 2035 ». Tout en déclarant la veille, avec une certaine malice : « Nous ne contestons pas 2035. Maintenant, nous devons nous y atteler. C'est potentiellement faisable, mais il faut que les conditions adéquates soient mises en place ».

Tout miser sur la clause de revoyure en 2026

En fin de compte, les constructeurs européens placent tous leurs espoirs dans la clause de révision initialement prévue pour 2026 afin de réexaminer l'ensemble de la réglementation européenne « Fit for 55 ». « J'espère que l'interdiction s'appliquera un peu plus tard, avait ajouté Luca de Meo, parce que je pense que nous ne serons pas capables de la faire sans endommager toute l'industrie et toute la chaîne de valeur de l'automobile européenne ». Et d’ajouter : « Pour le moment, la règle stipule que les voitures thermiques neuves seront interdites à la vente en 2035. À l'origine, nous demandions une date postérieure car nous pensions que le délai serait trop court. La décision finale appartient au législateur. J'espère qu'ils prendront en considération nos préoccupations initiales. »

C’est le client qui fait le marché

Face aux crises successives, nous avions peut-être un peu vite oublié un fait essentiel : c'est le client qui détermine le marché. En effet, c'est lui qui prend les décisions et pour ce faire, il ne dispose que d'un seul indicateur : le prix, ou encore le coût total de possession (TCO) pour les entreprises. En raison de la réduction ou de l'arrêt des différentes aides à l'achat de véhicules électriques en Europe, le véhicule thermique reprend du terrain depuis le début de l'année. Certaines marques qui avaient amorcé leur transition vers l'électrique, en abandonnant des modèles thermiques à fort volume, se retrouvent en difficulté car elles ne parviennent pas à compenser cette transition en retrouvant des ventes dans le domaine électrique. Le consommateur, qu'il soit un particulier ou une entreprise, est roi.

Un autre exemple illustrant cette dynamique est la déclaration de Mercedes : « Les clients et les conditions du marché détermineront (désormais) le rythme de la transformation énergétique. » Cette annonce faite par Ola Kaellenius, P-DG de Mercedes-Benz, met en lumière une réalité tangible dans l'industrie automobile. Elle souligne un écart croissant entre l'offre et la demande sur le marché automobile. En effet, les consommateurs sont de plus en plus réticents à s'intéresser aux gammes de véhicules dont le renouvellement est uniquement motivé par les exigences des normes CAFE et l'approche de l'interdiction de la vente de nouveaux véhicules thermiques d'ici à 2035.

Un exemple frappant de cette disparité est observé chez Citroën, qui souffre actuellement de l'absence de modèles break dans sa gamme, impactant ainsi les ventes de la marque. De même, le revirement concernant le nouveau Berlingo est révélateur de cette discordance : initialement lancé uniquement en version électrique, le modèle a dû inclure une version thermique par la suite, mettant en lumière une méconnaissance des besoins réels du marché.

De son côté, Renault a lancé sa Mégane e-Tech en version 100 % électrique, privant ainsi la moitié des ventes de la précédente génération thermique. Le même constat s'applique au nouveau Scénic électrique.

Les constructeurs chinois avaient anticipé la baisse de l’électrique

Visiblement, cette fenêtre de tir qui s’ouvre aux constructeurs européens à l’occasion du renouvellement du Parlement et de la Commission européenne n’avait pas échappé aux constructeurs chinois. Arrivés avec succès depuis deux ans, notamment pour MG Motor et BYD, ces nouveaux acteurs proposent désormais des véhicules thermiques très compétitifs et hybrides. Alors que leur part de marché sur le segment des BEV atteindrait déjà 15 % (contre 2 % à l'échelle mondiale), BYD et MG Motor viennent d’annoncer le lancement de leurs premiers modèles hybrides. La Seal-Y DM-i, disponible en version hybride rechargeable, se retrouvera ainsi aux côtés de la MG3 Hybrid+, récemment présentée au Salon de Genève.

Une double loi à amender pour mettre fin au thermique

Outre le package « Fit for 55 » que les constructeurs européens pourraient éventuellement remettre en cause, un autre mur se dresse devant eux : la fameuse réglementation CAFE qui suit son chemin de manière plus discrète. L’application des normes Corporate Average Fuel Economy (CAFE) est indépendante du package « Fit for 55 ». Les constructeurs devraient donc demander également la levée de cette réglementation européenne. Cependant, cela semble assez difficile à envisager à ce jour, compte tenu du rapport de force entre les différents groupes politiques en Europe. En effet, les indicateurs CAFE (Corporate Average Fuel Economy) sont en vigueur depuis 2015, avec un taux d’émissions de 130 g/km de CO2. À partir de 2021, ce seuil a été abaissé à 95 g/km de CO2.

Dès 2030, la réglementation CAFE imposera l’électrique

L'indicateur européen évalue les performances des constructeurs en termes d'émissions de CO2, calculées sur l'ensemble de leurs ventes de véhicules particuliers. Cette norme est pondérée en fonction du poids de l'ensemble des véhicules présents au catalogue, ce qui signifie que les petites citadines thermiques sont confrontées aux imposants SUV. Bien qu'elle soit quelque peu tombée dans l'oubli en raison de l'arrêt prévu de la commercialisation des moteurs thermiques en 2035, la réglementation CAFE reste une grille de lecture très suivie par l'ensemble des constructeurs présents en Europe.

Un seuil impossible à suivre abaissé à 50 g/km en 2030

L'évolution suppose néanmoins un virage technologique capable de répondre à des normes de plus en plus strictes au fil des ans. Face au mur réglementaire qui se profile, l'électrification des modèles s'est intensifiée, que ce soit en mode hybride, plug-in ou électrique. Et pour cause. Une nouvelle réduction du seuil à 81 g/km est prévue en 2025, soit dans huit mois seulement... En 2030, la norme CAFE exigera d'atteindre environ 50 g/km ! À titre de comparaison, un moteur hybride émet environ 80 g/km. Pour rappel, ces mesures reposent sur le nouveau cycle WLTP.

De lourdes sanctions financières pour les constructeurs

Pour les constructeurs, concilier les exigences technologiques et réglementaires impliquera un mix de ventes moyen de 50 % de véhicules électriques. Pour ceux qui ne respectent pas leurs obligations, les pénalités financières fixées par les autorités européennes sont particulièrement dissuasives. En cas de dépassement des limites, chaque gramme excédentaire est facturé à 95 euros pour chaque voiture immatriculée dans l'année. Les amendes potentielles peuvent atteindre des centaines de millions d'euros. En 2021, Fiat, Ford, Mercedes et Volkswagen ont été parmi les premiers constructeurs à être pénalisés par l'Europe. Face à la baisse des ventes de véhicules électriques en Allemagne, par exemple, Volkswagen a relancé les ventes de ses modèles thermiques, mais cela le mettrait en risque de ne pas respecter les normes du CAFE pour l'année 2024. Cela pose une équation impossible à résoudre au niveau européen dans l'état actuel des choses.

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